La Sega Fish Life, petit historique

Inspirée par le système d’aquarium virtuel 魚八景 (Sakana Hakkei) développé en 1995[10,94] par NEC, un fabricant japonais d’électronique connu notamment pour sa console de jeu PC-Engine, la Fish Life, spécifiquement conçue pour simuler un environnement aquatique interactif, est très peu connue. Développée par Sega, son histoire pourtant particulière remonte en tout cas à 1996. En effet, c’est durant cette année que la section Sega R&D AM5 s’attèle à développer un programme permettant à des poissons de se déplacer dans un espace sous-marin virtuel. Fondé en 1991, le Sega R&D AM5, ou “Département Recherche et Développement des Machines d’Amusement #5 de Sega”, s’occupe alors principalement des projets les plus ambitieux de la firme, notamment tout ce qui concerne le hardware dédié aux attractions des parcs à thèmes dont Sega est propriétaire, tels les ジョイポリス (Joypolis) au Japon et en Chine.

Aquarium virtuel 魚八景 (Sakana Hakkei) de NEC, une source d’inspiration pour la Fish Life
Aquarium virtuel 魚八景 (Sakana Hakkei) de NEC, une source d’inspiration pour la Fish Life[95]

En 1996, cette branche de Sega est chargée d’un projet d’aquarium virtuel pour le parc Joypolis qui doit être inauguré à Kyōto en 1997[11]. Leur but est de créer une attraction tout public et interactive autour du monde sous-marin. Le produit fini, appelé アクアリーナ (Aquarena), propose aux visiteurs-euses d’interagir avec des poissons dans un aquarium virtuel. Les détails concernant le jeu et son gameplay sont pratiquement introuvables. Nous savons que le soft profite déjà d’un système d’écran tactile permettant l’interactivité avec les habitants des fonds marins, affichés sur un système de trois écrans géants de 100 pouces chacun. L’interaction est, quant à elle, gérée par un système de huit écrans tactiles[75]. Les descriptions récentes d’Aquarena, puisque ce dernier est encore présent dans certains des Joypolis, tel celui d’Odaiba, indiquent que l’on peut se prendre en photo et coller son visage contre celui d’un poisson avant d’interagir avec lui[61]. Il est cependant difficile d’imaginer que le soft ait permis cela en 1997. Par contre, certaines fonctionnalités encore présentes, tel le fait de pouvoir dessiner un poisson pour le faire nager dans l’aquarium[77] ou encore obtenir des informations sur les poissons qui prennent vie devant nos yeux, l’étaient déjà sur la première version d’Aquarena[75].

Attraction Aquarena au Joypolis de Kyōto
Attraction Aquarena au Joypolis de Kyōto[75]

Plus tard, ce système de jeu est installé dans un restaurant nommé フィッシュオンチップス (Fish On Chips) qui a ouvert le 17 juillet 1999 à Kawashima, dans la préfecture de Gifu[11,87]. Le système est différent de l’attraction du parc Joypolis de Kyōto. En effet, les écrans tactiles, mesurant 15 pouces, sont disposés sur les tables afin que chaque client puisse s’amuser avec un aquarium et ses poissons virtuels. Une autre machine, probablement non-interactive, affichait également, sur un système de trois écrans de 200 pouces, des scènes de la vie sous-marine[11,79,80,83,85,87,89]. C’est, selon Kenya Yamashita, planificateur sur la Fish Life et membre du studio Sega R&D AM5, le point de départ de la commercialisation de la Fish Life puisqu’un client aurait demandé à pouvoir posséder un système similaire chez lui[11].

Restaurant Fish On Chips
Restaurant Fish On Chips[86]
Restaurant Fish On Chips
Restaurant Fish On Chips[86]

Commence alors le développement de ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de Sega Fish Life, qui consiste en une version tout public et accessible pour les privés de la technologie présente aux Joypolis et dans le restaurant Fish On Chips. Les défis sont nombreux, puisque Sega veut conserver l’interactivité tactile des logiciels existants, tout en ajoutant plus d’interactivité comme les commandes vocales par exemple. Pour cela, la Fish Life doit nécessairement avoir un hardware dédié, notamment un écran tactile et un lecteur de disques. Dès lors, l’équipe de développement propose une base hardware découlant de celle de la Dreamcast, sortie en novembre 1998 au Japon. Kenya Yamashita explique qu’il s’agissait d’une Dreamcast auquel un plus gros ventilateur avait été intégré, ainsi que des différences logicielles au niveau du firmware permettant de lancer les jeux de la gamme Fish Life[11]. Malgré une architecture similaire, le matériel Fish Life est conçu spécifiquement pour lancer les jeux qui lui sont dédiés, empêchant ainsi une Dreamcast standard de faire tourner les logiciels Fish Life. La Fish Life est donc un tout, une plateforme réunissant une console et une gamme de logiciels, et qui, pour profiter pleinement des fonctionnalités du soft, nécessite d’avoir en sa possession l’écran et la base spécialement conçus par l’équipe Sega R&D AM5.

Une fois le concept défini et développé, une longue campagne marketing est lancée[38]. Deux mois seulement après l’installation du système modifié d’Aquarena dans le restaurant Fish On Chips, la Fish Life est présentée à l’Amusement Machine Show 1999 de Tokyo[1] du 10 au 12 septembre 1999. Il est intéressant de remarquer qu’il s’agit d’une convention centrée sur le monde de l’arcade alors que le soft reste peu interactif, très contemplatif, et ne demande pas de payer pour y jouer, d’autant que la publicité autour de la Fish Life porte sur le fait qu’il s’agit d’une Dreamcast de luxe ayant comme public cible les lobbys d’hôtels et les restaurants[10]. Kenya Yamashita va jusqu’à la qualifier de décoration d’intérieur pour un usage professionnel[11]. Cependant, puisque c’est le studio Sega R&D AM5, chargé des produits destinés aux salles d’arcade, qui s’était occupé du développement, cela explique la présence de la Fish Life dans un événement de ce type.

La Fish Life présentée à l’AOU2000
La Fish Life présentée à l’AOU2000[21]

En attendant sa commercialisation, la Fish Life enchaîne les salons, notamment l’Amusement Trades Exhibition International (ATEI) 2000 de Londres, l’Amusement Machine Operators’ Union (AOU) 2000 de Tokyo, et le Tokyo Game Show, au printemps en 2000[3,14,41]. Rétrospectivement, son apparition la plus marquante a lieu lors d’une soirée organisée le 11 novembre 1999 par la Fondation Isao Okawa, un organe au nom du président de Sega de l’époque[42,43,44]. En effet, alors qu’à cet événement sont présentés divers accessoires pour la Dreamcast (lecteur Zip, carte réseau Ethernet et la webcam) ainsi que la Fish Life[17], Okawa annonce la fin du développement de hardware destiné au jeu vidéo de salon pour Sega, après deux ans d’exploitation de la Dreamcast. Ainsi, l’annonce de la fin des consoles chez Sega fut curieusement accompagnée de la présentation de nouveau hardware.

L’histoire retiendra principalement la mauvaise nouvelle de la soirée et, malgré sa présence apparente aux plus grandes conventions autour de l’arcade et du jeu vidéo, la Fish Life restera très peu mentionnée dans la presse étrangère qui lui consacre, le plus souvent, une colonne tout au plus, quand il ne s’agit pas d’une simple mention en fin d’article.

Au Japon, la promotion du système est plus importante, puisque les journaux spécialisés s’enthousiasment de sa sortie. Elle arrive finalement sur le marché japonais le 20 juin 2000[4,10,25]. Il est important de souligner que le système ne profite pas d’une sortie internationale, si l’on se réfère au Dreamcast Magazine anglais qui déplore l’absence d’investissement de la part des importateurs pour faire sortir le système du Japon[78]. Une année après sa sortie, le système apparaît même dans le film 釣りバカ日誌12 史上最大の有給休暇 (Tsuribaka Nisshi 12: Shijō Saidai no Yukyū Kyūka)[50,96], dans ce qui semble être un placement de produit vantant les capacités de Sega en matière d’image de synthèse. 🐟

Quelques jalons chronologiques

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